dimanche 16 février 2014

Je ne sais pas...


Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'ai toujours éprouvé un singulier agacement, pour ne pas dire une sainte horreur, pour les gens dont le discours commence invariablement par : "je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais..."
Cet hypocrite appel du pied, suggérant une complicité dont je n'ai que faire, me donne aussitôt l'envie d'en découdre -verbalement.
De prendre aussitôt le parti inverse.
Un personnage appartenant à cette triste engeance me conviait l'autre jour à constater que, si j'étais comme lui, je ne pouvais qu'admettre que les jours s'allongeaient.
Hélas, je ne pouvais que l'admettre. Il y a des limites à l'esprit de contradiction, ma maman me l'a souvent dit.
Cependant, poussé par mon démon intime, je lui demandai s'il savait pourquoi.
S'ensuivit une explication, ma foi assez doctement présentée, sur l'axe de rotation de la terre, son cours elliptique autour du soleil ; il me proposa même de me faire un dessin, sur la nappe en papier du restaurant.
Son âme généreuse ne pouvait me laisser dans l'ignorance.
(On le sait, les socialistes ont le coeur sur la main, et ils ont réponse à tout. Il leur arrive même de ne pas se tromper, sinon en gros, du moins dans le détail)

Mon petit démon agitait ses ailes noires.
- Mon vieux, tu te goures complètement, avec tes histoires d'axe et d'ellipse. Si les jours sont plus longs et été, c'est que la terre ralentit. Elle tourne moins vite.
- ???
- Elle ralentit à cause des frottements.
J'eus le plaisir de voir ses yeux s'écarquiller, et ne lui laissai pas le temps de se ressaisir (c'est comme ça les débats : tenir le crachoir sans faiblir, même en disant des inepties. J'enchaînai donc :
- Les frottements dus a l'atmosphère, plus ou moins dense selon la température !
- Mais...
- Tu n'ignores pas que je suis marin (ça, c'est l'argument d'autorité). En tant qu' homme de mer, tout ce qui touche aux mouvements de l'atmosphère, fronts chauds, fronts froids, anticyclones, m'est familier.Tu sais que l'air chaud monte. C'est d'ailleurs ce qui provoque ce que nous appelons les dépressions, et que vous autres terriens appelez le mauvais temps. Quand l'air chaud monte, la pression atmosphérique diminue. Les frottements sur l'écorce terrestre sont moindres, la terre accélère sa rotation, les jours sont plus courts.

Son front se plissa, puis son visage s'illumina d'un sourire triomphant (réponse à tout, je vous dis !).
- Mais justement c'est l'été, quand il fait chaud, que les jours sont plus longs. Alors !
J'avais marqué un point.
- C'est que tu ne tiens pas compte d'un paramètre essentiel, c'est celui de la formidable inertie de notre planète, une masse de plusieurs milliards de tonnes (à vrai dire, je n'ai jamais pesé la terre, mais je ne dois pas être loin du compte). L'effet de cette accélération, dont la cause se situe en effet pendant l'été, ne produit sa conséquence qu'avec un décalage de quelques mois, et atteint son optimum au moment du solstice d'hiver. Le phénomène inverse…
- Excuse-moi, je suis un peu perdu.
Trente a rien. Thirty love, comme disent les Anglais.
- C'est pourtant simple. En hiver, la pression atmosphérique augmente tendanciellement (tendanciellement, c'est toujours chic). La rotation terrestre est freinée petit a petit, et c'est plus tard, en juin, qu'on observe pleinement ce procès (procès, plutôt que processus : déstabilisant ;
procès à qui, pour quoi ?)

Philippe - il ne nomme Philippe - m'a opposé toutes sortes de bonnes raisons : la durée immuable de la rotation terrestre, l'application de ma théorie aux antipodes, les photos des satellites. J'avais moi aussi réponse à tout. Je lui répondais anneau de Moebius, photos truquées, collusion russo-américaine.
Il a fini par se lever, après avoir payé l'addition, prétextant un rendez-vous.

Victoire par abandon.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais on n'en fait jamais trop pour se débarrasser des socialistes.

Prochain sujet, dimanche 23 février : Le Roi des Cons